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DROIT COMMERCIAL

LE BAIL COMMERCIAL

25 Octobre 2016

Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) - Article 127 AUDCG

Présentation des faits1

Le 30 octobre 1998, Madame S., gérante de l’entreprise S., a donné en location à Madame Z., un local à usage commercial. Le bail commercial venait à expiration le 30 octobre 2001.

Le 22 mars 2001, Madame S. a notifié un congé à Madame Z., sans renouvellement du bail ainsi que sans indemnité d’éviction. Madame S. estimait que Madame Z. avait violé ses obligations contractuelles en modifiant la destination du local, telle que celle-ci était prévue dans le contrat. Madame Z. a en effet commencé à exploiter une boîte de nuit, ce qui a résulté en nuisances sonores pour les tiers.

Madame Z. a ensuite assigné Madame S. devant le Tribunal de première instance d’Abidjan. Elle considérait que Madame S. était au courant des travaux réalisés dans le local, et que cette dernière l’y avait par ailleurs encouragé. Madame Z. demandait l’annulation du congé donné par Madame S.

Dans son jugement rendu le 3 décembre 2001, le Tribunal de première instance a donné raison à Madame S. et a validé le congé donné par cette dernière sans indemnité d’éviction. Les juges ont fondé leur décision sur le fait que Madame Z. n’avait pas souscrit d’assurance, alors qu’elle y était obligée en vertu du contrat.

Madame Z. a interjeté appel de ce jugement. La Cour d’appel d’Abidjan, dans son arrêt rendu le 17 mai 2002, a infirmé la décision des premiers juges et a déclaré la demande de Madame S. non fondée.

Madame S. a introduit un pourvoi en cassation contre cet arrêt. La Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire, dans son jugement datant 13 mars 2003, a déclaré la demande de Madame S. recevable mais non fondée.

Cette dernière a ensuite introduit un recours contre l’arrêt de la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire auprès de la Cour commune de justice et d’arbitrage.

Madame S. estime que la Cour d’appel d’Abidjan a violé l’article 127 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général. Madame S. considère, en effet, que rien dans l’article 127 précité n’interdit au bailleur de baser le refus de renouvellement sur des manquements autres que ceux mentionnés dans la mise en demeure de congé. En l’espèce, il s’agit  de l’absence de police d’assurance que le preneur aurait normalement dû prendre.

Décision de la Cour

La Cour rappelle que selon l’article 127 de l’Acte uniforme précité, « le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail (…) sans avoir à régler d’indemnité d’éviction, dans les cas suivants (…) », et notamment « s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant ». Cependant, il est important de souligner que ce motif de refus pourra être invoqué uniquement « si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après mise en demeure du bailleur, par acte extrajudiciaire, d’avoir à les faire cesser ».

Madame S. n’ayant pas ajouté à la mise en demeure de congé l’absence de souscription d’une police d’assurance par Madame Z., la Cour considère que Madame S. ne pouvait pas prétendre au refus du renouvellement sans indemnité.

C’est pourquoi la Cour d’appel d’Abidjan n’a pas violé l’article 127 de l’Acte uniforme précité.

La Cour commune de justice et d’arbitrage rejette dès lors le pourvoi introduit par Madame S.

Bon à savoir

Le droit au renouvellement pour le locataire commerçant est prévu à l’article 123 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général.

Ce droit au renouvellement du bail n’est toutefois pas absolu. Il existe deux situations dans lesquelles le bailleur pourra refuser le renouvellement2.

Tout d’abord, il est possible pour le bailleur de refuser le renouvellement, pour autant que ce dernier paye une indemnité d’éviction au locataire. Dans ce cas-là, puisque le bailleur paye une indemnité, il ne doit pas donner de raison à son refus de renouvellement.

Ensuite, l’article 127 de l’Acte uniforme prévoit que le bailleur peut s’opposer au renouvellement du bail, sans payer aucune indemnité, dans deux cas :

-          « s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant,

-          S’il envisage de démolir l’immeuble comprenant les lieux loués, et de le reconstruire ».

Dans le premier cas, il est toutefois nécessaire que l’obligation contractuelle non-exécutée soit reprise dans la mise en demeure de congé donnée par le bailleur au preneur. Il faut ensuite que les faits se soient poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après la mise en demeure.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

________________

1. Cour commune de Justice et d’Arbitrage, arrêt n°006/2009 du 26 février 2009, www.ohada.com, Ohada J-10-61.

2. A. Pedro Santos et J. Yado Toé, Ohada, Droit commercial général, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 190.